AU CANADA, LES DIAMANTS NE SONT PAS éTERNELS

Les diamants ne sont pas éternels… au Canada. Outre la concurrence des pierres désormais produites en laboratoire, les professionnels du secteur s’inquiètent que les mines de ces célèbres pierres précieuses, situées pour l’essentiel dans les Territoires du Nord-Ouest (TNO), aux confins de l’Arctique, arrivent en fin de vie. Même si l’une d’entre elles, Ekati, a été rachetée il y a un an par le groupe australien Burgundy Diamond Mines, dans l’espoir d’augmenter sa durée de vie jusqu’en 2028. Les mines du précieux brillant sont cruciales pour l’économie des 45 000 habitants des territoires nordiques, dont il représentait 27 % du PIB en 2022.

La situation n’est pas meilleure à l’échelle nationale. Avec 14 % des diamants dans le monde, Ottawa est bien le troisième producteur mondial en 2022 (derniers chiffres disponibles), loin derrière la Russie et le Botswana, mais de 23,23 millions de carats en 2017 pour une production valorisée 2,05 milliards de dollars, la production canadienne est tombée à 16,24 millions de carats en 2022. Si la dégringolade inquiète les habitants des régions polaires, le secteur pèse peu dans l’économie nationale avec des exportations de l’ordre de 1,8 milliard de dollars. C’est une industrie mythique, mais elle n’emploie que 15.000 personnes, directement et indirectement, dont 30 % à 40 % d’Amérindiens dans les mines.

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Il existe actuellement quatre mines dans le pays - Ekati, Diavik et Gatcho Kué sont situées dans les TNO et la mine Renard au Québec - qui sont de moins en moins florissantes. Le ministère des Ressources naturelles et des Forêts du Québec s’enorgueillissait jusqu’à récemment de la mine de diamant que la Belle Province comptait depuis 2016, exploitée par la compagnie minière Stornoway Diamonds Corporation.

Fermetures en cascade

Le projet Renard avait été lancé dans la foulée du fameux Plan Nord de mise en valeur des ressources naturelles du nord de la province, porté par le gouvernement du Québec et la Caisse de dépôt et placement du Québec, dont le numéro deux a longtemps été le ministre de l’Industrie, Roland Lescure. Lors de l’inauguration de la mine, ses promoteurs parlaient de « réserves minérales du gisement de l’ordre de 23,7 millions de tonnes à 75,5 carats par 100 tonnes ».

La mine s’est révélée un gouffre, jamais rentable et dont les gisements avaient été surestimés. Il a fallu construire une route vers le nord du Québec. Stornoway a annoncé en mars dernier la fermeture de la mine Renard, licencié ses 522 employés, dont une partie avait déjà été mise à pied l’an dernier et l’entreprise s’est placée sous la protection de la loi des arrangements avec les créanciers.

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Pour expliquer son échec, Stornoway a invoqué la chute des cours du diamant, de 19,2 % depuis un an, à 147 dollars le carat, selon le Zimnisky Global Diamond Index. Un groupe australien a fait part de son intérêt pour les infrastructures minières de Renard, mais il n’envisage pas d’ouvrir à nouveau une mine de diamants. Le gouvernement de la Belle Province a investi près de 1 milliard de dollars. La facture des pertes devrait s’élever à 700 millions pour les contribuables québécois.

Potentiel souvent surestimé

Les premières mines de diamants canadiennes n’ont été découvertes qu’au début des années 1990. Le potentiel a souvent été surestimé, une technique classique des compagnies minières pour attirer les investisseurs. Contrairement aux prévisions au moment de l’inauguration des mines, la plupart sont proches d’être épuisées, comme Diavik qui devrait clore sa production en 2026. D’autres ont déjà été fermées, comme Snap Lake ou Victor en Ontario. Peu de nouveaux gisements de diamants ont été découverts ces dernières années.

La plupart des experts estiment qu’à défaut de nouvelles découvertes, l’industrie canadienne des diamants pourrait devenir marginale sur le marché mondial. Les mines de diamants du Canada sont essentiellement contrôlées par les firmes Anglo American et Rio Tinto. Les investissements pour exploiter une mine dans l’Arctique, là où se trouvent les gisements les plus prometteurs, sont colossaux.

Défi technique dans le Grand Nord

La construction de Gatcho Kué, dans les Territoires du Nord-Ouest, a coûté 1 milliard de dollars. Faire fonctionner celle-ci dans un immense désert blanc est un défi économique. On n’y accède l’hiver que par des avions munis de skis qui se posent sur des pistes de fortune gelées. Toute la logistique de la mine dépend de camions venus de la capitale du territoire arctique, Yellowknife, située à 300 kilomètres plus au sud, via des « ice roads » (routes de glace).

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Les camionneurs se déplacent l’hiver sur ces routes qui traversent des lacs gelés dans des conditions périlleuses à une vitesse qui ne dépasse pas les 30 km par heure. Comble de malchance pour les compagnies minières des Territoires du Nord-Ouest, un hiver particulièrement doux cette année a retardé la formation des « ice roads » de plusieurs semaines et a perturbé la production diamantaire. Les experts estiment que jusqu’en 2026, la production canadienne devrait encore décroître de 7,7 %. Des perspectives qui ne sont pas de nature à rassurer des investisseurs de plus en plus échaudés par l’aventure canadienne.

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