BUSINESS 2024: POURQUOI LE BUDGET DES JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES EST EN HAUSSE?

Des Jeux "sobres". C'est l'élément de langage répété à maintes reprises par le comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) de Paris depuis la phase de candidature. Une sobriété notamment souhaitée sur le plan financier. Au moment de l'attribution officielle des JOP 2024 à Paris en septembre 2017, le dossier de candidature parisien planchait sur un budget d'un peu plus de 6,6 milliards d'euros grâce notamment à un faible nombre d'infrastructures à construire.

Plus de six ans plus tard, la dernière révision fait pourtant état d'un budget proche des 9 milliards d'euros. Alors que s'est-il passé entre-temps ? C'est à cette question que tente de répondre le premier épisode de notre série "Business 2024" qui explore chaque mois une thématique économique autour des Jeux olympiques et paralympiques.

Un budget du COJOP en hausse... grâce à davantage de revenus

Le budget des Jeux olympiques et paralympiques de divise en deux parties qui sont à peu près égales aujourd'hui. D'une part, le budget de la Solideo, la société de livraison des ouvrages olympiques qui a construit le village des athlètes ou encore le centre aquatique, qui s'élève à 4,5 milliards d'euros et celui du COJOP qui est de 4,4 milliards d'euros. Paris 2024 finance l'aménagement et le fonctionnement des sites olympiques, l'organisation des compétitions, l'accueil des délégations, l'hébergement et le transport des athlètes et enfin la sécurité des lieux de compétition et des cérémonies d'ouverture et de clôture.

Le budget du COJOP est alimenté par trois sources de revenus à savoir la dotation du comité international olympique (CIO), les recettes de la billetterie et celles provenant des partenariats. Le financement privé y contribue ainsi à hauteur de 96%, les 4% de financements publics étant exclusivement dédiés aux Jeux paralympiques. Alors que certaines voix pointent du doigt la hausse de 600 millions d'euros de ce budget en six ans, le directeur général délégué du COJOP Michaël Aloïsio s'en défend: "Il ne faut pas voir notre budget à la lumière de son augmentation. Par exemple, on a fait beaucoup plus que ce qui était prévu en partenariats donc c'est une bonne nouvelle car ça veut dire que le budget est mécaniquement plus important car on a plus de revenus."

"Notre enjeu est celui de l'équilibre budgétaire, s'assurer que nos dépenses sont bien ajustées sur nos revenus. On a des revenus plus importants qu'on réinjecte intégralement dans l'organisation des Jeux."

"Un effet d'inflation mécanique"

A l'instar du porte-parole de Paris 2024, le directeur général de la Solideo Nicolas Ferrand mentionne également "un effet d'inflation mécanique" pour expliquer l'augmentation du budget de l'établissement public. "Il s'applique à la fois à sur les subventions qui passent par la Solideo et également sur les coûts des travaux pour les privés qui passent de 1,6 milliard à à peu près 2 milliards et pour moi d'1,4 milliard à 1,7 milliard, précise-t-il. Ensuite il y a un deuxième effet lié aux programmes complémentaires qui sont financés directement par les différents maîtres d'ouvrage publics car ils ne correspondent pas à des besoins liés aux Jeux." En effet, sur les quelque 70 ouvrages prévus pour les Jeux, un certain nombre ne sont pas construits pour une exploitation dans le cadre de l'évènement.

"C'est la somme de ces trois poches qui nous fait passer de 3,2 milliards à 4,5 milliards sur le coût total de tous les ouvrages construits."

Si le Covid n'a pas sensiblement perturbé les travaux de la Solideo, ce n'est en revanche pas le cas des premières semaines ayant suivi l'invasion de l'Ukraine il y a deux ans : "Au moment de l'invasion de l'Ukraine quand les chaînes d'approvisionnement ont été complètement désorganisées, singulièrement sur les poutrelles en acier, on a mis à peu près deux mois à retrouver un fonctionnement normal."

Peu de modifications de programme côté Solideo et des économies côté COJOP

Pour anticiper les dépassements budgétaires, le COJOP et la Solideo ont chacun mis en place une réserve pour aléas, d'un peu plus de 300 millions d'euros pour le premier et d'un peu moins de 100 millions d'euros pour la seconde. C'est une réserve qu'on consomme dans la dernière ligne droite sur des dépenses additionnelles, certains travaux qui coûtent plus chers que prévu", explique Michaël Aloïsio alors que la réserve du COJOP est encore pourvue à hauteur d'une petite centaine de millions d'euros.

De son côté, la Solideo a entamé sa réserve de moitié afin de financer des modifications de programme dont le nombre a été drastiquement limité par des conditions strictes. "La première est que ça ne retarde pas la livraison des ouvrages, la seconde est que ce soit effectivement utile pour les Jeux et pour l'héritage et la troisième est qu'on trouve un plan de financement, éventuellement dans ma réserve ou en prenant de l'argent ailleurs, détaille Nicolas Ferrand. Alors qu'on a un programme de travaux qui est à peu près la moitié de celui de Londres, on aurait donc dû avoir 3.000 modifications de programme : au 15 mars, on en a 778."

"On a été ferme par rapport aux demandes extérieures et inventifs et finalement on a assez peu tiré sur cette réserve qui a permis de financer quelques ouvrages en plus, on est passé de 62 à 70 ouvrages."

Dans le pilotage de son financement, le COJOP cherche également à réaliser des économies pour s'assurer un budget à l'équilibre comme le rappelle Michaël Aloïsio qui prend l'exemple de la gestion calendaire des ouvertures de sites. "Dans le modèle olympique, tous les sites ouvrent à la même date, souligne le directeur général délégué. On a analysé toute la data des Jeux pour savoir à quel moment précis, sport par sport, les athlètes arrivaient afin de calibrer l'ouverture des sites d'entraînement sur leur arrivée réelle. Ce sont des économies extrêmement importantes."

Des surcoûts liés à la sécurité pour les caisses publiques

Mais des surcoûts devraient aussi survenir au niveau de la facture finale pour l'Etat et les collectivités. Invité de la matinale de France Inter cette semaine, le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici a confirmé que cette facture finale pour les acteurs publics devrait dépasser les trois milliards d'euros et pourrait éventuellement atteindre quatre voire cinq milliards. Si bien que le coût total des Jeux olympiques et paralympiques devrait facilement atteindre les 11 milliards d'euros.

La faute, entre autres, aux dépenses liées à la sécurité que les Sages de la rue Cambon chiffraient à au moins 400 millions d'euros l'année dernière. "La sécurité est une responsabilité partagée, analyse Christophe Lepetit du Centre d'économie et de droit du sport (CDES). Incombe à Paris 2024 la sécurité dans les sites et aux abords immédiats des sites mais incombe à l'Etat la sécurisation de l'espace public en général et on sait qu'il y a des effectifs de gendarmerie, de l'armée qui vont être mobilisés pour sécuriser des aéroports, des gares et l'environnement dans lequel vont se dérouler les Jeux, y compris la cérémonie d'ouverture qui se déroulera sur la Seine." Le chargé d'analyses économiques évoque également les dépenses des collectivités territoriales liées à la mise en place des fanzones sur tout le territoire français.

Cependant, ces dépassements budgétaires sont en réalité récurrents depuis près d'un demi-siècle à la seule exception de Los Angeles qui est parvenu à dégager des recettes sur son budget en 1984. De 2 milliards d'euros à Sydney à plus de 30 milliards d'euros à Pékin, les dernières Olympiades ont toutes dépassé leur budget prévisionnel dans des proportions plus ou moins importantes.

"C'est le budget hors-Jeux qui dérape, c'est-à-dire le budget infrastructures et pour le cas français, on en avait beaucoup moins à construire que Pékin dont le stade du 'Nid d'oiseau' a vu son coût exploser ou que Rio qui a eu d'énormes investissements dans des aéroports ou des autoroutes."

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