VISITE DE XI JINPING EN EUROPE : OPéRATION SéDUCTION DE LA SERBIE à L'éGARD DU PRéSIDENT CHINOIS

Emmanuel Macron avait joué la carte de la proximité et de l'entente personnelle pour conclure la visite du président chinois Xi Jinping en France hier. Mais Aleksandar Vucic, leur homologue serbe, a mis la barre très haut pour s'attirer les faveurs du maître de Pékin, désormais à Belgrade. Et sur un tout autre registre : celui de l'alignement géopolitique, notamment sur la question de Taïwan.

Il n'y avait pas de surprise quant au fait qu'Aleksandar Vucic allait dérouler le tapis rouge à son homologue chinois Xi Jinping ce mercredi, alors que celui-ci vient pour approfondir les liens économiques et politiques avec l'un des pays européens les plus amicaux à l'égard de Pékin. Le président serbe a souhaité la bienvenue à Xi Jinping, l'a qualifié « d'ami de la Serbie » et lui a assuré que « le respect et l'amour qu'il trouvera ici, dans notre Serbie, il ne les trouvera nulle part ailleurs ».

Mais peu se doutaient qu'Aleksandar Vucic prendrait une telle position, de façon si claire sur Taïwan. S'adressant à la foule de plusieurs milliers de personnes enthousiastes, certaines brandissant des drapeaux chinois, selon des images de la télévision d'Etat serbe RTS, il a déclaré : « Nous avons une position claire et simple en ce qui concerne l'intégrité territoriale de la Chine. Oui, Taïwan est la Chine ».

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Xi Jinping approuve ce message

Des propos qui ont semblé ravir Xi Jinping, car la plupart des dirigeants européens, même si leurs pays ne reconnaissent pas Taïwan, s'abstiennent d'ordinaire de tenir des propos similaires de manière aussi affirmée. La Chine a intensifié ces dernières années la pression sur Taïwan, île qu'elle n'a pas réussi à conquérir depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949, créant d'importantes tensions régionales et internationales, notamment avec les Etats-Unis.

Qu'à cela ne tienne, le président serbe n'a pas fait dans la nuance. Signe sans doute qu'Aleksandar Vucic avait visé juste, Xi Jinping lui a signifié qu'il existait « un fort sentiment d'amitié » entre leurs deux pays au début de leur entretien bilatéral. Il faut dire que la Chine et la Serbie possèdent un certain intérêt à s'aligner sur le plan géopolitique, face aux puissances occidentales.

Devant la presse, le président chinois a appelé mercredi la Chine et la Serbie à « soutenir fermement les intérêts fondamentaux de l'autre ». Si la Serbie défend les revendications de la Chine sur Taïwan, Pékin soutient en retour Belgrade sur le Kosovo, territoire ayant proclamé son indépendance mais au statut contesté.

« La Chine soutient la Serbie (...) dans ses efforts pour sauvegarder sa souveraineté nationale et son intégrité territoriale sur la question du Kosovo », a souligné mercredi Xi Jinping.

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Une relation bien ancrée

« Pour la Serbie, il s'agit sans aucun doute de l'une des visites les plus importantes », déclare à l'AFP Marko Tmusic, professeur de sciences politiques à l'université de Belgrade. Sans compter que la visite du président chinois coïncide avec le 25e anniversaire du bombardement américain de l'ambassade de Chine à Belgrade, qui avait fait trois morts le 7 mai 1999. Le bâtiment avait été touché durant la campagne militaire menée par l'Otan contre des cibles serbes durant la guerre du Kosovo.

Une occasion de tancer l'interventionnisme occidental que Xi Jinping n'a pas laissé passer. Revenant sur cet événement dans un article publié mardi dans le quotidien serbe Politika, le président chinois a écrit que l'Otan avait « bombardé sans vergogne » l'ambassade et promis que son pays ne « permettra jamais » que cette « tragédie » se reproduise.

Au-delà de cet alignement, Pékin et Belgrade partagent aussi des intérêts économiques. La Chine a investi des milliards d'euros en Serbie et dans les Balkans, notamment dans les secteurs minier et manufacturier. Signe de la solidité des relations, Pékin et Belgrade ont signé l'an passé un accord de libre-échange.

A l'occasion de cette visite, ils ont signé une déclaration sur la consolidation de leurs liens diplomatiques et assisté à la présentation de diverses promesses commerciales comme l'achat de trains chinois, l'ouverture de nouvelles liaisons aériennes et l'augmentation des importations de produits serbes.

L'accueil devrait être tout aussi favorable en Hongrie où il se rendra ce mercredi soir, qui est considéré avec la Serbie comme l'un des pays parmi les plus amicaux à l'égard de Pékin et Moscou en Europe.

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Accueil plus contrasté à Paris

Accueilli à Paris avec faste dimanche dernier pour sa première visite en Europe depuis 2019, Xi Jinping avait toutefois eu des échanges francs avec le président Emmanuel Macron sur les différends commerciaux Chine-Europe ou encore les liens Pékin-Moscou, vus avec suspicion par les Occidentaux sur fond de guerre en Ukraine.

Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l'avaient notamment exhorté à empêcher l'exportation vers la Russie de produits susceptibles d'être utilisés dans son invasion de l'Ukraine et à faire tout son possible pour raisonner la Russie.

Face aux critiques occidentales sur ses liens avec Moscou, Xi Jinping avait, lui, appelé à ne pas « salir » la Chine.

Avec AFP

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