EUROPéENNES 2024 : RETOUR SUR CINQ DATES CLéS QUI ONT FAçONNé L'EUROPE

L’EUROPE DE A Z (1/11) - Les élections européennes 2024 approchent à grands pas. De la CECA jusqu’au discours de Mario Draghi, «Capital» revient sur cinq dates clés qui ont marqué l’histoire de l’Europe contemporaine.

Si l’appartenance à l’Union européenne est considérée comme «une bonne chose» pour une majorité d’Européens, ils sont encore plus nombreux à penser que «les choses vont dans la mauvaise direction au sein de l’UE». C’est le constat paradoxal établi dans l’Eurobaromètre publié en décembre 2023, à quelques mois des élections européennes qui débuteront le 6 juin.

De la politique migratoire, en passant par le changement climatique ou encore la souveraineté nationale des Etats, le débat sur les orientations de l’Union Européenne est aussi vieux que sa construction en elle-même. Retour sur cinq moments charnières qui ont façonné l’Europe d’aujourd’hui.

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1951 : la CECA

Les prémices de l’Europe voient le jour en 1951 avec la naissance de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), à la suite de la déclaration Schuman qui proposait la création d’une organisation européenne visant à coordonner la production d’acier et de charbon. Cette signature marque un jalon clé dans l’histoire de l’Europe, avec un objectif clair : construire la paix après des décennies de conflits. «C’est la première fois à l’échelle de l’humanité que des pays qui se faisaient la guerre dix ans plus tôt s’allient», insiste Sylvie Matelly, directrice de l’Institut Jacques Delors.

Ce traité, considéré comme la petite sœur du Traité de Rome, établit une coopération entre six nations, notamment la France et l’Allemagne, dans deux secteurs stratégiques essentiels à la guerre : l’acier et le charbon. En liant leurs économies, ces pays créent un véritable bouclier de sécurité, rendant impossible tout conflit entre les pays signataires. Car si «on reproche aujourd’hui à l’Europe de n’avoir privilégié que la dimension économique», elle est avant tout un accord de sécurité vers une paix durable.

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1954 : la Communauté européenne de défense

Forte de cet élan, la communauté européenne souhaite aller encore plus loin. Puisque l’objectif ultime de l’Europe est la paix, pourquoi ne pas envisager la création d’une défense commune ? Un projet ambitieux, que la France ne va pas tarder à tuer dans l'œuf : «Très vite, on se rend compte que l’intégration politique de l’Europe va être compliquée», commente Sylvie Matelly. Le Premier ministre de l’époque, René Pleven, craint en effet une perte de souveraineté nationale en matière de défense, et une domination excessive de l’Allemagne de l’Ouest. Moins de dix ans après la fin du deuxième conflit mondial, les risques de fragiliser le territoire français sont trop importants. Le refus de la France d’adhérer à la CED est ainsi entériné

Cette réticence française est l’une des pierres qui viendront briser l’ambition politique de l’Europe. Un point de rupture important : désormais, l’Europe se recentre sur les questions économiques, délaissant temporairement des aspirations politiques plus ambitieuses.

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1962 : la Politique agricole commune

Après l’échec de la CED, les Etats membres cherchent donc des moyens d’apaisement sans armée commune. Très vite, la solution leur semble évidente : aussi primaire que cela puisse paraître, «il ne peut y avoir de paix sans un approvisionnement alimentaire stable», explique la directrice de l’Institut Delors.

Car, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le continent se trouve dans une situation de pénurie alimentaire alarmante : «les gens mourraient de faim dans la rue», rappelle Sylvie Matelly. Les Etats membres sont alors contraints d’importer massivement pour nourrir leur population. C’est ainsi qu’est née la Politique agricole commune (PAC) en 1962. Objectif : unir les forces des Etats membres pour construire une agriculture européenne et auto-suffisante. A grand renfort d’incitations financières et d’investissements, ils modernisent leurs pratiques agricoles et augmentent leur productivité.

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Des efforts qui ont été plus que payants. «En quinze ans, l’agriculture européenne est passée d’un état de dépendance à celui d’exportateur net», estime Sylvie Matelly. Du jamais vu pour l’époque, et qui a permis de renforcer l’autonomie alimentaire de l’Europe, tout en stimulant sa croissance économique. Car cette modernisation a permis aux zones rurales, plus particulièrement aux pays d’Europe de l’Est, de se développer à vitesse grand V, réduisant ainsi les disparités économiques entre l’ensemble des Etats membres, et par là-même les risques de conflits.

1992 : le traité de Maastricht

Saut dans le temps : à la fin de la guerre froide, l’Europe fait face à de nouveaux défis. La chute du rideau de fer marque en effet le début d’une ère de transformation pour l’Union européenne : «Avec l’élargissement, l’UE entre dans une toute nouvelle dimension», confirme Sylvie Matelly. Les pays d’Europe centrale et orientale, fraîchement libérés du joug communiste, aspirent eux aussi à rejoindre la famille européenne, désormais réputée politiquement et économiquement stable.

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Et le traité de Maastricht de 1992 représente un jalon majeur dans l’histoire de l’intégration européenne, puisqu’il établit les fondations d’une Union européenne plus étroite et plus intégrée. Il prévoit la création du marché unique et d’un marché intérieur unifié pour l’Europe, ainsi que les prémices d’une politique étrangère commune. «Cette année 1992, au-delà du Traité en lui-même, a été un moment charnière de l’Union européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui», souligne Sylvie Matelly. A noter que c'est aussi depuis la ratification du traité que nous, Européens, détenons tous le même passeport bordeaux !

2012 : «Whatever it takes»

Mais malgré sa renomée en matière de stabilité, l’Europe n’y échappera pas : elle subit de plein fouet la crise des subprimes à partir de 2008. Mario Draghi, alors à la tête de la Banque centrale européenne, tient à rassurer les Etats membres, alors en proie à la crise de confiance qui secouait la zone euro : il sauvera l’euro coûte que coûte. Pendant son discours «Whatever it takes», Mario Draghi annonce que la BCE peut désormais prêter de l’argent aux Etats européens, une décision pourtant interdite par les statuts de l’institution monétaire européenne.

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Pour ce faire, cette dernière ouvre des lignes de crédits aux banques, qui financent désormais les Etats. «Il est devenu alors impossible pour un pays de faire faillite, puisque la BCE elle-même protège les Etats fragiles du défaut de paiement», explique la directrice de l’Institut Delors. La BCE décide ainsi de baisser son taux directeur à un niveau historiquement bas : 0,75%.

Une «initiative révolutionnaire en Europe», qui s’est aussi révélée utile bien plus récemment que pendant les «subprimes». Lors de la crise du Covid-19, la décision de Mario Draghi avait permis aux Etats de se refinancer grâce à des taux quasi négatifs : jamais l’argent européen n’aura coûté si peu cher.

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Et si le retour de la guerre en Europe semble perturber son apparent équilibre, celui-ci semble plutôt resserrer les rangs des 27. L’invasion russe en Ukraine de février 2022, plutôt que de mettre en péril la sécurité européenne, a fédéré les Etats membres autour d’une réaction à l’unisson. Exclusion du système bancaire Swift, fermeture des espaces aériens aux avions russes ou encore embargos répétés sur des produits de consommation courante et de haute technologie... Alors que l’UE avait à maintes reprises affirmé son objectif ultime de paix, elle affiche désormais une position politique ferme face à cette agression contre une frontière internationale.

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