RéFORME DE L’ASSURANCE CHôMAGE : NOUVEAUX DROITS, DURéE D’INDEMNISATION… CE QUI PEUT ENCORE CHANGER ET QUAND

Alors que de nouvelles règles d’indemnisation chômage portées par les syndicats et le patronat sont en attente de validation du gouvernement, Gabriel Attal veut encore lancer une réforme. Voici les paramètres qui pourraient bouger et leur potentiel calendrier d’application.

Il ne s’en était pas caché. Invité du JT de 20 heures de TF1 ce mercredi 27 mars, Gabriel Attal a confirmé sa volonté de mener à bien une nouvelle réforme de l’assurance chômage dès cette année. Et ce, pour baisser les dépenses de l’Etat et tenter de réduire le déficit public de la France, qui a dévissé à 5,5% du PIB l’an dernier, bien au-delà des prévisions du gouvernement. Déjà à la fin du mois de février, le Premier ministre a promis, au micro de RTL, de «continuer à réformer» pour «réduire nos déficits», en se disant favorable à ce qu’on «rouvre le chantier» de l’assurance chômage.

Or «l’assurance chômage ne doit pas servir de variable d’ajustement budgétaire», rétorque Olivier Guivarch, secrétaire national de la CFDT. D’autant que «ce n’est pas avec l’assurance chômage qu’on va pouvoir supprimer des dizaines de milliards d’euros de dépenses. Même en imaginant un scénario où on supprimerait toute assurance chômage, cela ne suffirait pas», illustre-t-il. Pour Jean-François Foucard, de la CFE-CGC, il s’agit tout simplement d’une «nouvelle politique très discriminante visant à frapper les plus faibles».

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Une nouvelle réforme… sans évaluation de la précédente

Les déclarations de Gabriel Attal ont d’autant plus de mal à passer qu’elles n’interviennent qu’un an seulement après l’entrée en vigueur de la précédente réforme : depuis le 1er février 2023, la durée d’indemnisation chômage est réduite de 25% pour les nouveaux inscrits à France Travail. Pour les demandeurs d’emploi de moins de 53 ans, elle atteint donc 18 mois au maximum, contre 24 auparavant. «Cette dernière réforme n’a même pas encore atteint son rythme de croisière, et donc on ne peut même pas encore véritablement l’évaluer, mais ils cherchent tout de même déjà à modifier de nouveau les règles», déplore Eric Courpotin de la CFTC.

Par ailleurs, cette nouvelle réforme voulue par l’exécutif va devoir s’articuler avec l’accord trouvé par les partenaires sociaux en novembre 2023 sur une nouvelle convention d’assurance chômage qui, pour être appliquée, attend la validation… du gouvernement lui-même. Pour vous aider à y voir plus clair, Capital fait le point sur les différentes règles d’indemnisation chômage qui pourraient encore bouger, et leur calendrier de mise en place (lorsque celui-ci est connu).

10 avril : accord sur les nouvelles règles d’indemnisation chômage des seniors

Les organisations syndicales et patronales sont actuellement en train d’essayer de trouver un accord sur l’emploi des seniors, les reconversions et l’usure professionnelle. S’ils parviennent à s’entendre le 8 avril prochain, date de la dernière séance de négociation prévue, les partenaires sociaux se sont engagés à se retrouver le 10 avril pour trouver un compromis sur de nouvelles règles d’indemnisation chômage des seniors. C’est à ce compromis qu’est conditionnée la validation, par le gouvernement, de l’accord trouvé fin 2023 par les syndicats et le patronat sur une nouvelle convention d’assurance chômage plus globale.

Concrètement, le 10 avril prochain, les partenaires sociaux se sont engagés à signer un avenant à leur convention d’assurance chômage qui prévoira de nouvelles mesures permettant de réaliser 440 millions d’euros d’économies entre 2024 et 2027 en matière d’indemnisation chômage des seniors. Cela devrait notamment passer par le décalage à 57 ans de l’âge à partir duquel les seniors auraient droit à une durée maximale d’indemnisation chômage de 27 mois, contre 55 ans actuellement. Et ce, pour s’adapter au relèvement de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite. Si les syndicats et le patronat comptent se retrouver le 10 avril pour signer cet avenant sur l’indemnisation chômage des seniors, il reste à savoir quand les nouvelles règles pourront s’appliquer exactement.

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A partir du 1er juillet : deux scénarios possibles

Bon à savoir : les règles actuelles d’indemnisation chômage sont valables jusqu’au 30 juin 2024, au plus tard. Si le gouvernement retient cette date butoir pour agir, deux possibilités se présentent. Première option : l’exécutif décide de ne pas valider la convention d’assurance chômage sur laquelle la majorité des partenaires sociaux se sont entendus en novembre 2023 et celle-ci ne verra donc jamais le jour. Dans ce cas, en attendant que la nouvelle réforme annoncée ce mercredi par le Premier ministre puisse s’appliquer, l’exécutif devrait publier un décret dit «de jonction» pour prolonger en l’état la réglementation actuelle.

Seconde hypothèse : le gouvernement valide tout ou partie de l’accord trouvé par les syndicats et le patronat en fin d’année dernière. Les mesures portées par les partenaires sociaux seraient alors «mises en œuvre entre le 1er juillet 2024 et le 1er janvier 2025», explique Olivier Guivarch. Ce sont les dispositions ayant un impact opérationnel important et nécessitant donc de lourds ajustements techniques qui verraient le jour plus tard, comme l’abaissement de six mois actuellement à cinq mois (sur les 24 derniers mois) de la condition d’activité minimale imposée pour pouvoir ouvrir un nouveau droit au chômage pour les primo-entrants sur le marché du travail (ceux qui n’ont encore jamais été indemnisés par France Travail) et les travailleurs saisonniers. A condition, bien évidemment, que le gouvernement valide une telle mesure.

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Automne 2024 : une nouvelle réforme portée par le gouvernement pour durcir les règles

Dans ce laps de temps (entre le 1er juillet 2024 et le 1er janvier 2025), le gouvernement veut donc encore lancer une autre réforme. Gabriel Attal compte demander à Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de «préparer de nouvelles négociations» avec les partenaires sociaux pour adopter une «vraie réforme, plus globale» dans le courant de l’été et viser une application «à l’automne».

Le hic, c’est que «ce n’est pas dit du tout que les partenaires sociaux trouvent un terrain d’entente dans un cadre si contraint car les organisations syndicales ne veulent pas réduire davantage les droits des demandeurs d’emploi», signale Olivier Guivarch. Or sans accord entre les syndicats et le patronat, le gouvernement reprendrait la main et pourrait appliquer les mesures qu’il souhaite, et donc annuler tout ou partie de la convention signée par les partenaires sociaux... qu’il aurait agréée quelques mois plus tôt. «On risque de se retrouver dans une situation ubuesque et l’exécutif pourrait en profiter pour revoir l’intégralité des règles avec leur nouvelle réforme à l’automne», craint Michel Beaugas, de Force ouvrière.

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Gabriel Attal a déjà dévoilé certaines de ses pistes, au JT de TF1 ce mercredi. La première serait de réduire une nouvelle fois la durée d’indemnisation chômage des nouveaux inscrits à France Travail (18 mois au maximum aujourd’hui pour les moins de 53 ans), sans pour autant aller «en dessous de 12 mois». Il y a un «vrai risque pour les demandeurs d’emploi, alerte Michel Beaugas. Si la durée d’indemnisation passe vraiment à 12 mois au maximum, ça revient à une baisse de 50% en l’espace de deux ansAutre option envisagée : durcir les conditions d’ouverture d’un nouveau droit (avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois aujourd’hui). Dans ce cas, deux leviers pourraient être activés : il pourrait être demandé de «travailler davantage» (plus de 6 mois) pour pouvoir toucher le chômage ou bien d’apprécier l’exigence des 6 mois de travail «sur une durée moins longue» (inférieure à 24 mois), a détaillé le locataire de Matignon.

La mise en place de cette nouvelle réforme dès l’automne risque cependant de présenter «un problème technique, prévient Olivier Guivarch, car le système d’information de l’assurance chômage ne peut pas réagir aussi vite».

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